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Web campagne : Marine Le Pen libérale-libertaire
Tefy Andriamanana - Marianne | Mardi 7 Février 2012 à 15:20 | Lu 7290 fois
La présidente du FN dispose d’une bonne présence sur le Web, le FN est même le premier parti français sur Facebook. Mais une « Marinosphère » peut-elle émerger sur la Toile… en dehors de son parti ?
Elle dit ne pas encore avoir ses 500 signatures mais elle a déjà ses 33 000 fans. Marine Le Pen est ainsi la troisième candidate à la présidentielle sur Facebook. Mieux : le FN est le premier parti sur le réseau avec plus de 50 378 fans alors que le PS atteint les 34 400 et des poussières et l’UMP doit se contenter d’à peine 22 000 fans. Par rapport à son poids électoral, le FN bénéficie d’une véritable force de frappe sur Internet.
Autre point fort du FN : la force des blogs issus des mouvances à la droite de la droite voire d’extrême-droite. Des catholiques radicaux aux identitaires en passant par les souverainistes conservateurs. Sur cette cartographie de l’agence Linkfluence et du Monde.fr, on voit bien la sur-représentation de ces mouvances dans la blogosphère française.
Cette force de frappe avec le très connu Fdesouche en navire amiral est souvent appelé « fachosphère ». Un terme rejette au sein de l’équipe de campagne de Marine Le Pen. « Si on dit ça, c’est dire que tous les gens qui nous soutiennent sur Internet sont des fachos », affirme David Rachline, responsable de la campagne web de la présidente du FN. Pour autant, Fdesouche peut-il être un potentiel soutien ? « On a des points communs (…) Mais je ne suis pas sûr qu’ils aient envie d’être assimilés à nous », répond le communicant.
LE PEN EN APPELLE AUX BLOGUEURS
Et pour ce dernier, la force du FN sur la Toile est liée à une « dynamique électorale et militante». D’ailleurs, comment transformer ces blogueurs, en dehors des gros poissons de type Fdesouche, en militants marinistes ? Si leurs idéologies sont diverses, des catholiques radicaux aux souverainistes, ils peuvent constituer un vivier de soutiens en vue de 2012. En janvier, cette dernière a d’ailleurs lancé l’initiative « Toile bleue Marine », permettant à chaque blogueur de faire enregistrer son site sur une liste de soutien et d’afficher un logo à l’effigie de la candidate. David Rachline annonce que « 600 blogs » ont d’ores et déjà rejoint le mouvement.
Le but : créer un groupe informel de soutien à la candidate. « On va faire une sélection de blogueurs qui participeront à une rencontre avec Marine Le Pen (en mars, ndlr) », explique David Rachline. Ce dernier veut davantage cibler « l’internaute lambda » que le militant encarté. Deuxième étape : créer un portail web où chacun pourra poster des billets politiques et autres contenus, portail modéré par les équipes de Le Pen (des bénévoles). De même, ces contributeurs ne seront pas forcément encartés au Front. Pour le responsable de la web campagne, ils « seront libres, l’objectif est de rendre plus visible ce que font les internautes ». La ligne du futur site ne sera donc pas celle du Front, une autre façon d’ouvrir les portes et fenêtres du parti.
Bref, la caractéristique principale de cette web campagne, c’est la « défrontisation » de Marine Le Pen. Aux blogueurs sympathisants, elle demande d’afficher non pas la flamme du FN mais un M avec son effigie de couleur… bleu marine, dans vraiment dans les codes habituels du Front. «Toute la campagne est comme ça, c’est dans l’esprit de la Ve République, c’est la rencontre d’une femme et d’un peuple », se justifie David Rachline.
« DÉFRONTISATION »
Pourtant, en matière de rupture entre le parti et la candidate, Marine Le Pen va plus loin que certains de ses concurrents. Surson site de campagne, le FN n’apparaît nulle part. A l’inverse, le site de Hollande reprend les couleurs du PS et fait des liens vers son parti ainsi que vers les sites du PRG ou du MJS. François Bayrou, sans reprendre le logo du MoDem, a gardé la couleur orange typique de son parti sur son site officiel.
Cette « défrontisation » a un objectif : attirer vers Marine Le Pen des gens qui ne partagent pas forcément l’ADN politique du Front. « La majorité des gens qui viennent vers nous via le Web ne sont pas les gens que l’on croise sur les marchés, ça peut amener des gens qui ne s’intéressent pas à la politique », estime David Rachline. Un électorat jeune, ne se reconnaissant plus dans le clivage droite-gauche, diplômé mais déclassé et désabusé…. Une belle cible pour Marine Le Pen qui ne cherche pas ses électeurs qu’à Saint-Nicolas-du-Chardonnet.
Cette « défrontisation » se perçoit aussi sur les sites « satellites » de la campagne Le Pen. Exemple avec le site des « Jeunes avec Marine », où aucune mention du FN n’apparaît. Ces soutiens de la candidate se sont également lancés dans le détournement d’images, grand classique de la culture. Des créations pas toujours réussies mais qui changent des affiches traditionnelles du FN.
Ce mouvement s’était fait connaître avec l’affiche controversée « Choisis ta France » devenue, volontairement ou non, une habile campagne web. Cette création dévoilée en novembre sur la Toile par Les Jeunes avec Marine avait fait le buzz et a été l’objet de multiples parodies. L’indignation des anti-FN a permis la diffusion en masse de l’affiche et de médiatiser les supporters de Marine Le Pen. L’affiche s’est fait connaître bien avant d’être collée sur tous es murs de France. Faire le buzz pour le buzz, faire parler de soi quitte à faire polémique, miser sur la réactivité de ses opposants, une technique de communication vieille comme le monde. Et qui a l’avantage de ne rien coûter.
LE FN EST-IL LIBERTAIRE ?
Car, cette web campagne basée sur les blogueurs et les réseaux sociaux n’a pas qu’un objectif de branchitude. A l’heure où les finances du parti sont plus que dans le rouge, faire campagne sur le Web a l’avantage d'être moins cher qu’un meeting bling-bling ou une campagne massive d’affichage ou de tractage. Mais David Rachline dément tout choix financier par défaut : « Je crois en l’addition des moyens de campagne, ce n’est pas une campagne low cost ». Mais seules 4 personnes travaillent actuellement sur la campagne web de Marine Le Pen… quand le staff numérique de Hollande en compte 35.
Si Marine Le Pen veut s’investir sur le Web, elle compte aussi sur ses propositions. Des idées pas forcément en adéquation avec la pensée dominante au FN. Elle a pris des positions fermes contre la Hadopi, la Loppsi et toutes les mesures visant à accroître le contrôle du Web. Le FN s’est aussi élevé contre la fermeture de Megaupload, adoptant ainsi la même position que… Eva Joly. Marine Le Pen qui rejoint les libéraux libertaires… Paradoxal ? La présidente du FN évoque même le cas du Traité ACTA, « cet Hadopi mondial qui avance masqué et que l’Union européenne soutient ». Une de ses propositions majeures est de « garantir la liberté sur Internet au niveau constitutionnel ». Une position également partagée… par les Jeunes socialistes.
Contradictoire lorsqu’on tient un discours critique sur les libertés en termes de sécurité ou d’immigration. « On ne met en danger personne en téléchargeant un film ou de la musique », répond David Rachline, qui conseille également Marine Le Pen sur les « libertés numériques », terme et formulation typiques des militants libertaires du Web, pas vraiment la tasse de thé du FN. Mais dénoncer la fermeture de Megauload avec les écolos post-soixantehuitards, est-ce que pose des problèmes de conscience au Front ? Réponse étonnante du conseiller de la candidate : « Cela ne me dérange pas, plus on est mieux c’est ». Marine Le Pen en accord avec les fanas du « Il est interdit d’interdire »… Comme quoi son jumeau de gauche n’est pas celui qu’on croît.