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Tefy Andriamanana - Marianne | Jeudi 9 Février 2012 à 05:01 | Lu 5480 fois
Comme chaque fois, le FN se plaint de ne pas avoir ses 500 signatures pour l’élection présidentielle. Mais au vu des scores atteints par Marine le Pen dans les sondages, chacun essaie d’entrevoir les désagréments d’une hypothétique absence de la présidente du FN.
C’est à chaque fois la même chanson. En 1995, le FN, par la voix de Jean-Marie Le Pen, se plaignait déjà d’avoir du mal à recueillir ses 500 signatures d’élus pour pouvoir se présenter à la présidentielle. Il y a 17 ans, les grands responsables de ce bloquage selon Le Pen étaient Philippe de Villiers et… Robert Hue. Malgré tout, le président du FN de l'époque a pu se présenter au 1er tour. En 2002 et 2007, la même polémique avait été lancé par le FN… et à chaque fois Jean-Marie Le Pen a pu se présenter, même si ce fut de justesse en 2007, où il ne déposa que 507 signatures.
Rebelote cette année. Mais vu que Marine Le Pen est créditée de 20% dans les sondages et que l’UMP tente de racoler les voix de l’électorat le plus conservateur, la question de la présence ou non de la présidente du FN à l’élection suprême devient un grand enjeu politique. Voir politicien.
Et sur ce point, les clivages politiques sont renversés. Il y a d'abord ceux qui s’opposent à la présence de le Pen par anti-racisme radical. C’est le cas de l’ex-ministre Dominique Bussereau, proche de Jean-Pierre Raffarin : « Si Mme Le Pen n’obtient pas ses signatures, elle n’a qu’à s’en prendre à elle-même et à ses positions intolérables ». Gérard Longuet, pas spécialement issu de la droite humaniste, joue aussi la carte de l’anti-racisme radical : « Pourquoi les maires – il y en a 36.000 – pourquoi il n’y en a pas 1% d’entre eux qui acceptent de signer pour Mme Le Pen? Sans doute parce qu’elle dit des choses difficiles et inacceptables ».
BLUFF ?
Il y a ceux qui pensent qu’elle bluffe et qu’elle a largement les moyens d’avoir ses signatures. Comme Martine Aubry : « Elle bluffe comme son père a toujours bluffé en faisant croire qu’il n’aurait pas les signatures » ou François Baroin : « Pourquoi Monsieur Cheminade, qui est un inconnu au bataillon, a ses 500 signatures ? On a une loi. Qu’elle se débrouille. Et qu’elle se débrouille toute seule avec ses amis ! ». « Oui, c’est difficile d’obtenir la confiance des maires mais je ne doute pas qu’elle aura ses 500 signatures », a estimé Valérie Pécresse.
De son côté, si Nicolas Sarkozy a estimé qu’il est « toujours regrettable » qu’une candidature manque à l’élection majeure, il a mis de côté le cas personnel de Marine Le Pen : « Vous ne voulez pas que je m'occupe d'elle non plus ? », sous-entendant qu’il ne donnerait aucune consigne aux élus de droite. Ségolène Royal, invitée en janvier sur le plateau du Grand Journal, avait également estimé que la candidate du FN bluffait. Cependant, elle souhaite aussi mettre en place une solution alternative : « Que tous les partis qui ont des parlementaires puissent présenter un candidat ». Ce qui est le cas du FN qui a des députés européens.
Il y a enfin ceux qui s’en moquent comme Jean-Luc Mélenchon : « Personnellement je m'en fiche. Si elle n'est pas candidate, je m'en frotte les mains. Si elle l'est, je m'en frotte les mains aussi, parce que je vais me battre contre elle ». Toutefois, ce dernier a dénoncé le principe des 500 signatures qui donne « le pouvoir à 500 notables de dire qui a la capacité ou non d'aller dans l'élection majeure ». Une position cohérente avec son souhait de voir le Front national interdit.
DÉMOCRATIE ?
A l’inverse, certains pensent que l’absence de Marine Le Pen serait une atteinte à la démocratie. Comme Guillaume Peltier, secrétaire national de l’UMP et lui-même ex du FN : « Si elle n’y était pas, il est probable qu’une grande partie pourrait rejoindre Nicolas Sarkozy mais que l’autre partie se vengerait de celui qui l’aurait empêchée d’être candidate ». Marine Le Pen a elle-même laissé entrevoir une possible vengeance de ses électeurs si elle ne pouvait pas se présenter.
Pour sa part, François Hollande, comme à son habitude, n’a pas pris de position claire et tranchée. S’il pense que « ce serait un problème qu'un courant d'opinion (…) ne puisse pas présenter une candidature ». Il s’est également prononcé pour un parrainage par de simples citoyens. Mais, il a aussi évoqué la thèse du bluff : « Je connais aussi ces montées d'inquiétudes venant toujours du même côté alors que, depuis 1988, la famille Le Pen a toujours présenté sa candidature ».
Bluff ou pas, cette question des 500 signatures pourrait bien être tranchée par la justice. D’ici le 22 février, le Conseil Constitutionnel examinera une QPC (question prioritaire constitutionnelle) déposée par Marine Le Pen demandant la remise en place l’anonymat pour les élus parrains des candidats à la présidentielle. Pour elle, les élus craignent des représailles s’ils donnent leur signature au FN.
JOLI COUP
Jusqu’à une réforme de 1976, les noms de ses parrains n’étaient pas rendus publics. Si les Sages donnent raison à Le Pen, on reviendra à la situation avant 1976. Et puisque le Conseil a promis de décider avant le 22 février et que les candidatures doivent être bouclées pour le 16 mars, les chasseurs de signatures pourraient bénéficier de cette clause d'anonymat quelques jours seulement après la décision du Conseil. Deux autres candidates ont également saisis les neuf Sages : Christine Boutin et Corinne Lepage. Pour l’ex-ministre de l’Environnement, « il n'est pas concevable de laisser à Marine Le Pen et à l'extrême droite le monopole de cette démarche »
Si Marine Le Pen gagne devant le Conseil Constitutionnel, elle aura en tous cas remporté une belle victoire politique lui donnant l’occasion de se poser en martyre victime du « système UMPS ». Elle pourra aussi affirmer, si elle se présente, que sans cette décision des neuf Sages, elle n’aurait jamais trouvé 500 parrains, démentant ainsi toutes les accusations de bluff. A moins que l'anonymat ne lui permette pas de trouver les fameux 500 paraphes.